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Epitaphes satiriques sur la mort de Louis XIV

Le bistrot, c'est l'endroit où vous venez raconter vos dernières trouvailles, une découverte inattendue que vous avez faite, une rencontre émouvante, ou débattre des problèmes qui se posent à vous pendant vos recherches généalogiques, sans oublier les questions d’éthique en matière de généalogie et d'Internet.
suzannem
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Bonjour,

Ci-gît notre invincible roi… ». Epitaphes satiriques sur la mort de Louis XIV (1er ensemble) - Duranton, Henri (éd.) - Premier ensemble : Forme canonique incluant la formule "Ci-gît"

Ci-gît notre invincible roi,
Qui meurt pour un acte de foi.
Il est mort comme il a vécu,
Sans nous laisser un quart d’écu.

Ci-gît au milieu de l’église
Celui qui nous mit en chemise.
Et s’il eût plus longtemps vécu
Il nous eût fait montrer le cu.

Ci-gît Louis le Petit ;
Ce dont tout le peuple est ravi.
S’il eût vécu moins de vingt ans,
Il eût été nommé le Grand.

Ci-gît le grand Bourbon,
Qui ne fut, hélas ! que trop bon.
Préservez le, Seigneur, de l’éternelle flamme ;
Comme il a pris nos biens, daignez prendre son âme.

Ci-gît le maître des impôts,
Qui mourut de la gangrène ;
Il en mérita bien la peine,
Ayant rongé son peuple jusqu’aux os.

Ci-gît le maître des impôts,
Que la Parque vient de surprendre.
On dit que Dieu l’avait donné,
Mais qu’il n’a pas voulu le prendre.

Ci-gît qui fut un grand monarque
Tandis qu’il vécut ici bas.
Caron, le voyant dans sa barque,
Lui dit : Tu ne passeras pas.
Tu mangeais là haut tout le monde,
Reprit il d’un ton de travers,
Dans cette demeure profonde
Tu mangerais tous les enfers.

Ci-gît de qui les édits
Nous ont tous rendus misérables.
Qu’il aille droit en paradis,
Et son conseil à tous les diables.

Ci-gît le père des impôts.
Disons lui des patenôtres :
S’il est en haut pour son repos,
Il y est aussi pour le nôtre.

Ci-gît le plus grand de nos rois,
Qui fut chéri de ses sujets
Au temps de ses généreux faits.
Si vox populi, vox Dei,
Il est ailleurs qu’en paradis.

Ci-gît… mais non, je me ravise,
Cherchez ce monarque plus bas :
Le diable en a purgé l’église
Dès le moment de son trépas.

Ci-gît le roi Louis le Grand.
Il avait le cœur d’Alexandre ;
La mort n’a pris ce conquérant
Que quand il n’eut plus rien à prendre.

Ci gît l’idole de la France
Et l’ennemi de son repos.
Il fut un gouffre de finance
Et l’asile des impôts.

Ci-gît le roi des maltôtiers, (Agent chargé du recouvrement de la maltôte, plus généralement de l'impôt.)
Le partisan des usuriers,
L’esclave d’une indigne femme,
L’ennemi juré de la paix.
Ne priez point Dieu pour son âme :
Un tel monstre n’en eût jamais.

Louis le Grand n’est plus, il est réduit en poudre.
O Français, répandez l’encens de toutes parts !
Il imita trois dieux : par l’adultère, Mars ;
Mercure par le vol, Jupiter par la foudre.

Ici repose notre roi,
La vieille qui nous fit la loi,
Le confesseur et les finances,
Le pouvoir de deux éminences,
L’orgueil du pontificat,
Et l’honneur de plus d’un prélat.

Ci gisent en même tombeau
Le grand Louis et les finances,
Et la bulle et l’édit nouveau,
Et de Tellier les manigances.
Mortels qui visitez ce lieu
Le plus célèbre de la France,
Apprenez qu’il faut craindre Dieu
Et mettre en lui son espérance.

Ici Louis Quatorze emplit
Ce que si bien il désemplit

Ci dessous est inhumé
Qui, supprimant, fut supprimé.

Ici gît le roi des impôts,
Dont chacun a l’âme ravie.
Que Dieu lui donne le repos,
Qu’il nous ôta pendant sa vie.

Passant, ci gît Louis le Grand,
Qui fit plus qu’Alexandre.
Quand il mourut, ce conquérant
N’avait plus rien à prendre.
Hommes, femmes, filles, garçons,
La faridondaine, la faridondon,
Dites De profundis pour lui,
Biribi,
A la façon de Barbari,
Mon ami.

Ci-gît sans cœur et sans entrailles
Un prince ni roc ni vaillant
Il est après ses funérailles
Ce qu’il était de son vivant.

Ci-gît qui reçut tant et tant,
Tant qu’il ne fit rien qui vaille.
Il fut nommé Louis le Grand,
Mais ce ne fut que pour sa taille.

Ici gît que la gangrène
Jusqu’aux os rongea
Il méritait bien peu cette peine
Car jusqu’aux os il nous mangea.

Ci-gît Louis le Fortuné.
La parque enfin vient de le prendre.
On dit que Dieu l’avait donné,
Mais a-t-il voulu le reprendre ?

Ci-gît le plus puissant, le plus fameux guerrier
Et le plus saint de tous les rois
Qui fit par ses édits, de son royaume entier
Des compagnons de saint François.
Craignant que ses sujets, baignant dans l’abondance,
N’adorassent leurs biens plus que la providence
Il leur ôta tout, en mourant. Quel service,
De garantir l’Etat du péché d’avarice !

Ci-gît un roi qui pour partage
Prit presque tout notre héritage
Malgré nos plaintes et nos cris.
Il nous en eût pris davantage
Si la mort ne l’avait pas pris.

Ci-gît Louis dont la puissance
Et de qui les vastes projets
Ont épuisé tous ses sujets
Et désolé toute la France.
Poussé par son ambition
Et sa brutale passion
Il rompit cent traités et commit mille crimes.
Il voulut envahir le trône des Césars,
Mêla le sang de ses bâtards
Parmi ses enfants légitimes.
Il fit la guerre aux gens pieux ;
Des meurtriers de ses aïeux
En fit ses directeurs ; pour l’éternelle gloire
Se laissa traîter d’immortel
Si tu ne crois pas qu’il fut tel,
Passant, va chercher son histoire.

Louis le Grand n’est plus ; c’est ici son tombeau / Il triomphe en mourant des horreurs de la mort.

Passant, veux-tu savoir qui gît sous ce tombeau ?
Examine, ami, ce fidèle tableau.
Je suis ce grand Bourbon, la ruine de la France.
Je me suis chargé de quittance.
J’empruntais et ne rendais rien.
J’eus ministres aimant le bien.
Pour ruiner un état que faut-il davantage ?
Enfin de mon vieil âge,
Mauvaise fut la Constitution.
Un antéchrist, hélas, me fit leçon,
Il détruisit grâce efficace ;
Aussi resta-t-il dans la place.
Sous la fausse rigueur je crus voir du mérite.
Hélas, quel eût été mon sort !
Que de vœux, que de pleurs à ma mort
Si je n’avais connu maltôtiers ni jésuites.

Ci-gît ce roi fameux par cent exploits divers
Qui fit craindre partout sa puissance suprême
Et qui se fût rendu maître de l’univers
S’il ne se fût vaincu lui-même.
Vertus qu’on vit jamais dans le sang de Bourbon
Vous fûtes en lui réunies,
Et si par un défaut il vous avait ternies,
Ce fut celui d’être trop bon.
Vous en êtes témoins, ministres des désordres :
Si vous aviez été punis
Pour avoir servi mal et pour tous vos désordres
Mille de ses lauriers ne seraient pas flétris.
Au reste d’un même œil en dépit de la parque
Ce roi vit le malheur et la prospérité,
Et jamais on ne vit dans un même monarque
De si grands changements et tant d’égalité.
Enfin régner en roi juste, clément et sage,
Dans son particulier vivre en homme de bien
Régner comme un héros et mourir en chrétien,
C’est de Louis le Grand le portrait et l’image.
S’il ne me paraît pas qu’on le regrette fort,
Comme sa mort veut qu’on le fasse,
C’est que par ses vertus Philippe le remplace
Et qu’on ne s’aperçoit pas encore qu’il soit mort.

Ci-gît Louis qu’on ne connut
Que dans le moment qu’il mourut.
Il a tant aimé notre argent
Qu’il le fit tout partir devant.
C’était un prince sans égal,
Oui, pour savoir faire le mal.

Ci-gît le roi, notre bon maître,
Louis, quatorzième de nom,
Qui s’est laissé brider en bête
Pour Dame Constitution ;
Qui se perdant s’est acquis
Grand renom,
Oui, chez autrui.
Mais chez lui, non.

Ci-gît le monarque Bourbon
Qui toujours conduit par la jupe
Et par la troupe au noir jupon.
Tant qu’il vécut fut une dupe
Et fut en mourant un fripon.

Ci-gît le mari de Thérèse,
De la Montespan le mignon,
L’esclave de la Maintenon,
Et le valet du Père La Chaise.

Ci-gît Louis qui s’épuisa tant à prendre
Qu’il nous a tous si bien pris.
La Mort lassée de le voir prendre
A tant fait qu’elle nous l’a pris.

Ci-gît qui n’aurait pas dû vivre
Ni tant de pays conquérir.
Louis qu’aucun roi ne doit suivre
A su tout prendre avant que de mourir.

ci-gît qui devait toujours vivre
et tout le monde conquérir.
Louis le Grand modèl (sic) à suivre
Il sut tout vaincre et bien mourir.

Ci-gît Louis à deux dents
Qui a mangé petits et grands.
S’il avait vécu davantage
Et que la mort pour son partage
N’en eût fait la prise,
Il nous aurait ôté notre chemise.

Quand le louis fut à quatorze
Il ne fut plus de Louis Quatorze.
Ci Louis est inhumé
Qui supprimant fut supprimé.

Ci-gît qui va dans la noire contrée
Et qui d’or et d’argent dépeuple l’univers.
Démons, refusez-lui l’entrée,
Il pillerait tous les enfers.

Ci-gît le grand roi des impôts,
Des maltôtiers l’ami fidèle.
Il est mort pour notre repos.
Ci-gît le grand roi des impôts
Il nous a rongé jusqu’aux os
Et tout pris dans notre escarcelle.
Ci-gît le grand roi des impôts,
Des maltôtiers l’ami fidèle.

France, de ton tyran orne ainsi le tombeau :
Sur la mauvaise foi fonde ton mausolée ;
Qu’il s’élève au-dessus, armé du noir flambeau
Dont il brûla jadis l’Europe désolée ;
Qu’il y foule aux pieds un peuple gémissant ;
Que pour vertus aux coins d’un cercueil teint de sang,
Le Désespoir, la Mort, la Disette et la Faim
Y voilent leur pâleur de lambeaux funéraires ;
Qu’avec la Volupté, des enfants adultères
S’empressent d’y graver ses crimes sur l’airain
Et que la Haine y trace en hideux caractères
Le titre affreux : ci-gît le fléau du genre humain.

Cordialement,
Suzanne
lamyev
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Un peu long et à mon avis, plus injuste que satirique.
suzannem
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Bonjour,
Tout à fait d'accord... et je n'ai pas installé la suite !!!
Louis XIV, par ses guerres, a laissé une France appauvrie par des impôts et surtout un peuple décimé. Vauban a eu le courage de le lui reprocher.
Pour info - Maltôtier : Agent chargé du recouvrement de la maltôte, plus généralement de l'impôt.
Cordialement,
Suzanne
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Bonsoir,

Vous ne posez pas la vraie question. L'œuvre de Louis XIV a-t-elle été désastreuse pour notre pays ? Votre copier-coller semble indiquer que oui. "Semble", car il ne s'agit en fait que d'une accumulation de textes contestataires. Et vous n'avez pas placé en regard les textes d'historiens jugeant globalement positive pour la France la gestion de Louis XIV. Tous les grands monarques ont été contraints de prendre des décisions impopulaires. Philippe le Bel a même été, en son temps, qualifié de faux-monnayeur.

Cordialement.

Georges
Toui saben doun venen ma saben pa doun aneren.
suzannem
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Bonjour Georges,

"LE SIÈCLE DE DIEU" (Catherine HERMARY VIEILLE) : "Pour financer la guerre, il avait fallu lever de nouveaux impôts. Le contrôleur général des finances, monsieur de PONCHARTRAIN, avait mis en place une capitation, impôt pesant sur chaque chef de famille. La capitation est réinstaurée, d'abord provisoirement, pour faire face aux dépenses de la guerre de Succession d'Espagne, en 1702. Le nouveau système d'imposition est basé sur le calcul de la taille. Les dettes du pays étant si importantes, l'impôt perdurera et ne sera aboli que lors de la Révolution française.(Capitation : Le terme capitation est issu du latin "caput, capitis", signifiant tête. Le 18 janvier 1695, suite à la crise économique traversée par la France entre 1692 et 1694, ce nouvel impôt direct est prélevé sur chaque individu mâle, y compris les privilégiés ; seul le clergé est exempté. A la suite des traités de Ryswick, signés en 1697 par Louis XIV, la capitation est supprimée.) Le froid était revenu, mordant comme l'année précédente, et l'on se désespérait. Le royaume se relèverait-il d'une telle misère ? On parlait de centaine de milliers de personnes ayant péri de froid et de faim qui s'ajoutaient aux innombrables soldats morts au feu, à la multitude des protestants pourchassés et jetés aux galères quand ils n'avaient pas été massacrés au cours d'infâmes dragonnades"

1693 - Une profonde misère s'installe dans toute la France provoquée par la sécheresse suivie d'une grande pauvreté. De nombreux décès sont constatés les deux années suivantes. En 1694 trente-cinq enfants décèdent à Bourgtheroulde, vingt-sept à Infreville. La mortalité n'épargne pas les adultes. Des familles entières disparaissent. (extrait de mon blog)

INTERNET - Les années de misère : En 1693-1694, le froid et la famine sévissent sur le royaume : on compte de 1,6 million à 2 millions de victimes (cf. les annotations des RP). « Pour la première fois depuis plus de 30 ans, on revit le pain de fougère, le pain de gland, les moissons coupées en vert et les herbes bouillies » (P. Goubert). Pour faire face à la famine, le Parlement ordonne aux curés la rédaction d'un état des pauvres dans chaque paroisse et la prise en charge des miséreux par tous ceux qui peuvent le faire (séries GG des AM et H des AD). En mai 1694, le setier de blé atteint le prix record de 52 livres. Le même mois, le Parlement ordonne trois jours de procession dans toutes les paroisses. Les conséquences : à partir de 1694, accroissement de la mobilité, chute brutale des baptêmes (cf. 1670) avant une forte et rapide récupération de 1695 à 1707, mariages retardés, hausse des abandons d'enfants et multiplications des décès… parfois 25 % de la population d'une paroisse. Selon Marcel Lachiver, « En deux ans, il ne naît que 1 325 000 enfants, alors qu'il est mort 2 836 000 personnes. Le déficit dépasse les 1 511 000 âmes. En deux ans, (…) la population de la France passe de 22 247 000 habitants à 20 736 000 et diminue donc de 6,8 % ». François Lebrun ajoute : « Le rapprochement avec les pertes de la Première Guerre mondiale n'a rien d'incongru : la crise de 1693-1694 a fait en deux ans presque autant de morts que celle-ci, mais dans une France deux fois moins peuplée et en deux ans au lieu de quatre ».
Les condamnations aux galères pour vol passent de 254 à 401 en 1693-1694. En 1694, Fénelon dans sa Lettre à Louis XIV, critique la politique royale et expose la situation du pays : « (…) vos peuples (…) meurent de faim. La culture des terres est presque abandonnée, les villes et les campagnes se dépeuplent ; tous les métiers languissent et ne nourrissent plus les ouvriers ; tout commerce est anéanti (…). La France entière n'est plus qu'un grand hôpital désolé et sans provision ». Dans beaucoup de provinces, les épidémies succèdent à la famine : la typhoïde, appelée fièvres putrides ou malignes, décime la population sous-alimentée

On ne peut ignorer cela, ainsi que :

Construction du château de Versailles, favorites et leur progéniture, fêtes fastueuses...

Une semaine avant son décès, le 26 août 1715, Louis le Grand fit appeler le jeune dauphin, qui entendra les dernières paroles de son arrière-grand-père : « Mignon, vous allez être un grand roi, mais tout votre bonheur dépendra d'être soumis à Dieu et du soin que vous aurez à soulager vos peuples. Il faut pour cela que vous évitiez autant que possible de faire la guerre : c'est la ruine des peuples. Ne suivez pas le mauvais exemple que je vous ai donné sur cela : j'ai souvent entrepris la guerre trop légèrement et l'ai soutenue par vanité. Ne m'imitez pas, et soyez un prince pacifique, et que votre principale préoccupation soit de soulager vos sujets. » WIKIPEDIA

Pendant les 54 ans du règne personnel de Louis XIV (1661-1715), la France connut 33 ans de conflits.

Cordialement,
Suzanne





lamyev
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Bonjour,

On ne peut pas rendre le roi Soleil responsable  des conditions climatiques particulièrement rudes. C'était alors le "refroidissement climatique". La pauvreté était liée au niveau des productions agricoles d'alors.
Pour les impôts, il serrait intéressant de faire une comparaison avec leur niveau actuel; toutes choses égales par ailleurs .
Certes, la fin du règne fut assombrie par des guerres malheureuses, mais beaucoup moins meurtrières que celles que nos avons connu depuis la Révolution et la Levée en Masse.
Enfin, il ne faut pas oublier que le roi avait en fait beaucoup moins de pouvoirs qu'un président de la république actuel : monarque absolu ne signifiait pas sans limites.

Cordialement,
suzannem
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Bonjour,

Je cite :

François PRESTE DE VAUBAN (Maréchal) - Projet d'une dîme royale, 1707
On se plaint par tout & avec raison de la supercherie & de l'infidélité avec laquelle les Commis des Aydes font leurs exercices. On est forcé de leur ouvrir les portes autant de fois qu'ils le souhaitent ; & si un malheureux pour la subsistance de sa famille, d'un muid de Cidre ou de Poiré, en fait trois, en ajoutant les deux tiers d'eau, comme il se pratique très souvent, il est en risque non seulement de tout perdre, mais encore de payer une grosse amende, & il est bienheureux quand il est quitte pour payer l'eau qu'il boit. Tout cela néanmoins n'est compté pour rien, quand on considère que dans les paroisses taillables, ce n'est ni la bonne ou mauvaise chère, ni la bonne ou mauvaise fortune qui règlent la proportion de l'imposition, mais l'envie, le support, la faveur & l'animosité ; & que la véritable pauvreté ou la feinte y sont presque toujours accablées. Que si quelqu'un s'ne tire, il faut cacher les peu d'aisance où il se trouve"

Les Années de misère - Marcel Lachiver
1693-1694: loin des fastes de Versailles, des centaines de milliers de miséreux, poussés par la faim, se traînent le long des routes. Les curés les décrivent mangeant de l'herbe, déterrant les chevaux morts pour se nourrir. Cette terrible famine est la conséquence de calamités climatiques qui se sont abattues sur tout le pays. Dans certaines régions, on est resté dix-huit mois sans voir le soleil. Les récoltes ont été désastreuses et le prix du pain a été multiplié par quatre ou cinq. L'inexistence de la médecine a fait le reste car les maladies et les épidémies atteignent vite les individus sous-alimentés. L'hécatombe est à peine imaginable aujourd'hui: la famine fit sans doute un million et demi de victimes dans un pays de 20 millions d'habitants.
Le " grand hiver " de 1709 atteint, lui, riches comme pauvres. Arrivée le jour des Rois, une première vague de froid prend d'assaut tout le royaume en vingt-quatre heures. Les rivières et les fleuves gèlent brutalement, les campagnes se transforment en champs de glace et les maisons en glacières. Tout gèle, l'eau dans les puits, le vin dans les caves, les pots sur le feu. " Le verre dans lequel on buvait prenait aux lèvres, le pain gelait sous les couettes des lits. " Le froid paralyse toute activité: " Plus de commerce à cause du temps, l'encre gèle au bout de la plume ", note la marquise d'Huxelles. Cet hiver, qui succède à une grave crise économique et aux drames de la guerre, tue d'abord les plus démunis, même si dans les villes on allume des grands feux pour réchauffer les vagabonds.
Formidable document sur la vie quotidienne du petit peuple de Louis XIV, ce livre raconte le combat des humbles pour vivre et même pour survivre, quand le dérèglement des saisons transformait le royaume en pays du tiers monde. Ces " années de misère " sont la face cachée du Grand Siècle, à l'heure où la France n'était plus, selon Fénelon, qu'un " grand hôpital " désolé et " sans provisions ".

La capitation :
A court d'argent, Louis XIV décide de créer en 1695 une nouvelle recette fiscale pour faire face au déficit des comptes du pays. Un prélèvement révolutionnaire qui préfigure l'impôt progressif sur le revenu.
Le 29 novembre 1694, "la grande nouvelle de la Cour et de Paris était que le roi avait enfin résolu la capitation, c'est-à-dire de lever un certain droit par tête sur tous ses sujets généralement, ce qui lui devait procurer plusieurs millions par an", écrit le marquis de Sourches dans ses Mémoires.
A cette date, la France de Louis XIV est encore durement marquée par une terrible crise économique (1692-1694).
Le pays est également engagé depuis 1688 dans une guerre contre une large coalition d'Etats européens, la ligue d'Augsbourg.


Vous citez : "On ne peut pas rendre le roi Soleil responsable  des conditions climatiques particulièrement rudes. C'était alors le "refroidissement climatique". La pauvreté était liée au niveau des productions agricoles d'alors."

D'accord, mais dans un contexte rural où l'année précédente ses sujets en étaient réduits (quand ils avaient survécu) à manger de l'herbe (les quelques semences qui leur restaient après la dîme, la part du seigneur et dans certains villages lieux de relais pour les troupes, ne firent pas long feu) Louis XIV ajoute la Capitation !

Cordialement,
Suzanne

lamyev
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Bonjour,

Vous me citez : "On ne peut pas rendre le roi Soleil responsable  des conditions climatiques particulièrement rudes. C'était alors le "refroidissement climatique". La pauvreté était liée au niveau des productions agricoles d'alors."

Et vous répondez "D'accord, mais dans un contexte rural où l'année précédente ses sujets en étaient réduits (quand ils avaient survécu) à manger de l'herbe (les quelques semences qui leur restaient après la dîme, la part du seigneur et dans certains villages lieux de relais pour les troupes, ne firent pas long feu) Louis XIV ajoute la Capitation !"

Il ne faut pas tomber dans les rêveries du XIX°siècle où on nous représentait le paysans se "nourrissant de racines" ... Nous aussi, nous mangeons des carottes ! Maintenant, ça n'arrive plus : Il 'y a plus de paysans !
Au sujet de la capitation, de son origine et de son assiette, je vous conseille l'article de Wikipedia :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Capitation
Il explique qu'en 1695, après avoir envoyé à la fonte sa vaisselle pour renflouer ses finances, le Roi n'avait pas d'autres solution que de créer ce nouvel impôt. Il était prélevé sur les trois ordres ave un taux progressif selon la fortune.
Citons Wikipedia :
"En 1789, la capitation représente 1/11e du revenu pour les taillables, mais 1/90e pour les privilégiés. Elle rapporte plus de 41 millions de livres.

Un projet est préparé pour mettre en place la capitation en Nouvelle-France mais n'aboutit pas.

La capitation est supprimée par l'Assemblée nationale constituante. Le décret du 13 janvier 1791, sur la contribution mobilière, sanctionné par Louis XVI le 18 février, établit une contribution mobilière, composée de deux parties : la première, commune à tous les habitants ; le seconde, portant uniquement sur les salaires, publics et privés, sur les revenus d'industrie et de fonds mobiliers. Par une proclamation du 14 avril, Louis XVI constate que la capitation « se trouve aujourd'hui supprimée par l'établissement de la contribution mobilière
».

Elle a bien été supprimée, mais immédiatement remplacée.

Aujourd'hui, on échangerait volontiers l'impôt sur le revenu contre la Capitation.

Cordialement,
suzannem
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Bonjour,

Tout à fait d'accord : les carottes sont des racines (comme l'herbe). En 1694, elles étaient gelées.

J'ai effectué les relevés BMS de ma commune rurale d'adoption (où il y a encore des agriculteurs). Ce qui suit est parlant.

- En 1694 trente-cinq enfants décèdent à Bourgtheroulde, vingt-sept à Infreville. La mortalité n'épargne pas les adultes. Des familles entières disparaissent. 
(extrait de mon blog où vous trouverez les relevés - Lien du blog sur le site officiel de la mairie)

Source : Dictionnaire historique des communes de l'Eure  - Tome 1 - CHARPILLON-CARÊME - Editions Page de Garde - "Un document de 1710 fait un triste tableau de la situation de Bourgtheroulde à cette époque. A l'exception de deux ou trois laboureurs, le reste de la population était misérable et très fatigué par le transport du bagage des troupes."

Aujourd'hui, les personnes en difficulté n'ont pas la "chance" de payer des impôts.

Bonne soirée,
Cordialement,
Suzanne







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