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Définition d'une profession "Propriétaire"

Qui étaient vos ancêtres nobles ? quels étaient leurs us et coutumes ? Comment devenait-on noble ? Quelle différence entre la noblesse de cape ou d'épée ? Autant de questions difficiles à résoudre dont vous pourrez débattre dans ce forum.
jerome4
male
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pascaller a écrit : 03 janvier 2018, 08:29
jerome4 a écrit : 31 décembre 2017, 18:19 Et tout cas, je reste persuader que des propriétaires non nobles existaient  sous l'ancien régime. Ils étaient sans doute plus ou moins nombreux selon les régions. Cela peut-être dû à l'histoire locale.
Bonjour Jérôme et bonne année,

En effet, il existait des paysans propriétaires de plein droit : ce sont des alleutiers, comme je le disais plus haut. Je vous propose de donner la parole à Pierre Goubert, sans doute le meilleur connaisseur du monde paysan, dans son livre Les paysans français au XVIIe siècle, particulièrement le chapitre "Un mode de propriété différent du nôtre", pages 37 et suivantes :

Mais voici ce qui est vraiment capital [ce qui précède concerne le sous-sol, propriété royale], et bien plus difficile à saisir : l'ancienne notion romaine, "quiritaire" comme on disait, de la propriété totale n'a pas survécu (avant de reparaître fortement avec la Révolution et le Code civil), sauf dans quelques régions que l'on a longtemps crues exceptionnelles et "attardées". On y trouve assez couramment, des terres d'absolue propriété, qui ne reconnaissent donc aucun seigneur, qu'on appelle des alleux. Il s'en trouvait en Bordelais et en Guyenne à la fin du Moyen Age ; pourchassés, ils ont pourtant survécu. Des chercheurs scrupuleux en débusquaient en Bourgogne du Nord après 1685 (...).
N'empêche que plus de 90% du royaume de France ignorait ou avait oublié l'alleu, seule propriété complète (...). Censitaire (ici ou là vassal, terme abusif, mot profondément significatif : celui qui chaque année, à date fixe, paie au seigneur le cens dit recognitif, par lequel il reconnaît donc tenir sa terre de lui. (...) Ainsi, ce qu'on appelle propriété paysanne était presque toujours grevé par l'émince seigneuriale et les droits seigneuriaux (que la Révolution balaya). Bien beau lorsque, dans quelques régions et sur quelques terres - les plus récemment mises en culture - ne s'ajoutaient pas des cens infiniment plus élevés, voire de lourds champarts.


Il est donc possible que vos ancêtres aient tous appartenu à la très faible minorité - moins de 10% - de paysans qui bénéficiaient d'une propriété complète. Mais vous voyez bien qu'il s'agissait d'exceptions, l'immense majorité (sans parler des métayers et des fermiers, dont le statut était encore très différent) n'étant pas propriétaire au sens qui est le nôtre, et qui était celui des Romains, qui réapparaît à la Révolution, et permet aux paysans de se qualifier comme tels dans les actes d'Etat-civil.

Pascal
Bonne année aussi,

Je pense qu'il y avait aussi des droits seigneuriaux pour mes ancêtres propriétaires. Même si je ne sais pas exactement en quoi ils étaient constitués.

La révolution a en effet "balayer" ses droits seigneuriaux, mais il serait mal honnête d’omettre que le propriétaire devait à la place, payer des taxes à la commune ou à l'Etat.

Vous pouvez trouvez cela plus "juste", mais je ne vois pas en quoi cela change le statut du propriétaire. La Nation a remplacer le Seigneur.
pascaller
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Je pense avoir déjà répondu. Les impôts modernes sont fondamentalement différents des droits seigneuriaux, dans la mesure où ils sont la contribution de chacun aux charges communes, si bien que le citoyen a une contrepartie immédiate et essentielle aux impôts qu'il paye : des routes, des écoles, des policiers... Rien de tel sous le régime féodal, puisque le seigneur n'avait strictement aucun compte à rendre des droits qu'il percevait au titre de sa propriété éminente sur les terres (les articles 14 et 15 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen imposent d'ailleurs le contrôle de l'usage de l'argent public, préoccupation qui se comprend aisément après des siècles de régime féodal). A priori, sauf peut-être si vous habitez à Levallois-Perret chez Patrick Balkany ;D, vos impôts locaux ne servent pas à accroître la fortune personnelle de votre maire. Au pire, si vous soupçonnez que c'est le cas, vous pourrez toujours en changer aux prochaines élections, alors que le paysan d'Ancien Régime ne pouvait pas changer de seigneur...

Pour la différence entre le statut de propriétaire "relatif" d'avant la Révolution et celui de propriétaire "absolu" d'après (qui remonte au droit romain), relisez ce qu'écrit Pierre Goubert : "Un mode de propriété différent du nôtre". Il me semble que c'est très clair.

Pascal
pierreb29
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jerome4 a écrit : 31 décembre 2017, 18:19
Et tout cas, je reste persuader que des propriétaires non nobles existaient  sous l'ancien régime. Ils étaient sans doute plus ou moins nombreux selon les régions. Cela peut-être dû à l'histoire locale.
Voici un exemple:
"Aveu de Mathieu, Adelice et Pierre Kerbiguet
Déclaration et dénombrement des héritages ci apres que Mathieu KERBIGUET, Joseph TAMIC mari et procureur de droits d'Adelice KERBIGUET sa femme demeurant au village de Kerrouarch et Pierre KERBIGUET demeurant au village de Corlay et tous en la paroisse de Querrien faisant, tant pour eux, que pour leurs consorts tiennent et possèdent roturièrement du roi notre sire sous son domaine et recette de Quimperlé ....... lesquels héritages situés audit village de Kerrouarch et ses dépendances audit Querrien consistent en :

Une maison nommée "thy antienne" contenant de long 39 pieds et demi et (de) large 16 (pieds)
Autre maison nommée "ty leur" contenant en longueur 26 pieds et (de) large 16 (pieds)
Un appentis joignant la maison "Entienne" du Nord contenant de long 18 pieds, de large 6 (pieds)
Une autre maison nommée "ty nicolas kerbiguet" contenant de long 30 pieds et large 14 (pieds)
Autre (maison) nommée "nau bras" contenant de long "26 pieds, de large 12 (pieds)

Les dites maisons se joignent fort la séparation et leurs cours

Plus l'ariau? et la rue du jardin neuf contenant de long 21 pieds, de large 12 (pieds)
Autre ariau? qui est dans la rue et la maison "entienne" contenant de long 29 pieds, de large 12 (pieds)
Plus un courtil à chanvre et 3 jardins

Les 2 rues s'entrejoignent fort la séparation et leurs fossés et donnent sur les dites maisons contenant en fond avec les issues des dites maisons 25 cordes

Plus "parc er linou" "erliors erlinou" terre chaude contenant 1 journal cernées..........
Plus le parc et le four plus parcou "glous bihan" terre chaude contenant 5 cordes", parc "zaic" terre chaude contentant 17 cordes les deux se joignant
que cernent ......
plus parc de "feuteun isellauff" et parcs "y huellauff" et "studet kerantec" terre chaude contenant 2 journaux et 29 cordes se joignant fort la séparation et leurs fossés que cernent .....
Parc "terien bihan" terre chaude contenant 35 cordes
et "Kerosquero" terre chaude contenant 2 journaux et quart les deux se joignant qui cernant .....
Plus par Eolinou terre chaude et froide (contenant) 2 journaux et 1 pré nommé "prat er cren"
Un frostage nommé "roser coen terre froide contenant 666 cordes les 3 se joignant qui cernent ...
Plus parc "lan er parcou" terre froide contenant 100 cordes par "clan er parcou" terre chaude (contenant) 1 journal et 13 cordes
et deux prés nommés prairu er parcou (contenant) 37 cordes se joignant que cernent ...
plus 5 parcs nommés "parcou er bellon" terre froide et 2 prés nommés "praiou er ballon" contenant ensemble 585 cordes se joignant fort la séparation
de leurs fossés que cernent ......
Plus parc "penhoul" terre chaude contenant 76 cordes et autre parc "penoul" terre chaude contenant 10 cordes se joignant que cernent ...
Plus "le harou" terre froide contenant 1 journal et 10 cordes qui donne ...
Plus parc "Bec er Ros" terre chaude continuant 1 journal qui donne ...
Plus parc "terien ar feunten" et "prat er feunteun" se joignant contenant 61 cordes que cernent ..
Plus 2 petites portions dans les issues dudit village de Kerouarch le tout faisant et contenant sauf erreur savoir
sous terre chaude 14 journaux 3 quarts et un huitième, sous terre froide 12 journaux et 35 cordes
Un pré 1 journal et demi 14 cordes

Lesquels droits et héritages échus et adevenus audits déclarants savoir

audit Mathieu KERBIGUET comme héritier de Nicolas KERBIGUET décédé il y a 12 ans
à ladite Adelice KERBIGUET de la succession d'Ollivier KERBIGUET, son père, décédé il y a 8 ans,
auquels Nicolas KERBIGUET et Ollivier KERBIGUET ils étaient aussi échus de la succession de (à blanc) KERBIGUET leur père décédé il y a 40 ans
et audit Pierre KERBIGUET de la succession d'autre Pierre KERBIGUET, son père, décédé il y a 33 ans

Dessus lesquels héritages ils affirment n'ëtre dus aucune rente ni chefrente que la simple obéissance du fief au roi comme les autres sujets dudit domaine et à devoirs et lods et ventes y échoit

laquelle présente déclaration les dits KERBIGUET et TAMIC ...

Fait et consenti ce jour 4/9/1678

(Aucun des déclarants ne sait signer)

Par sentence de messieurs les commissaires insérée au 4 ème volume des sentences folio 77

la déclaration a été recue à la charges des droits reconnus par icelle, de l'hommage et rachat, suite de cour et moulin et de payer à la recette du domaine au jour et terme de Saint Michel en septembre de chacune année d'échéance 1 sol de chefrente

Signature de Logeray "

Pierre
eagereagle
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Toutes les interprétations du terme "propriétaire" tel qu'on le retrouve dans des actes, souvent notariés ou des registres de l'état-civil, fournies dans les messages précédents ont leurs valeurs respectives. Toutefois, je crois qu'il faut lire cette qualification dans le contexte de l'acte ou de la mention dans l'État civil. Lors d'un mariage, par exemple, on note : "...fille de X, âgé de soixante-trois ans, propriétaire, et de Z...." Dans un acte en ma possession, passé devant notaire à Paris vers 1880 on mentionne pour le titre du père du marié "rentier" et de celui de père de la mariée "propriétaire", alors que le marié lui est "premier clerc de notaire". Ces mentions, reprises "pour la solennité" sont souvent là sans faire l'objet de vérification, pour faire plaisir ou par égards à ceux qui les donnent, car elles ne portent pas à conséquences et sont donc à prendre avec la réserve qui s'impose. N'entendons nous pas parfois autour de nous des gens dire qu'ils sont "banquiers" alors qu'ils ne sont en fait que des "employés de banque", même s'il occupent des hautes fonctions, car seuls les propriétaires ou directeurs d'une maison de banque particulière peuvent se prévaloir du titre de banquier.
pascale138
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Bravo pour la clarté de vos explications, vous ne vous contentez pas d’affirmer mais vous démontrez. Bravo aussi pour votre pugnacité et merci.

Je ne sais pas si vous lirez ce message mais j’ai ressenti le besoin de vous féliciter. Je m’interrogeais sur le sens du mot « cultivateur » : propriétaire ? Fermier ? Métayer ? En vous lisant j’en conclu que cela signifie qu’il cultive la terre, rien de plus, il faut chercher ailleurs si il la possède ou la loue.

Cordialement

Pascale
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