Archaïsme graphique au XVIIIe siècle (dernière partie)

Le 23 mai 2023 par Frédéric Thébault

Chaque mois, Béatrice Beaucourt, paléographe professionnelle, vous propose une courte leçon destinée à vous familiariser avec les écritures anciennes.

ARCHAISME GRAPHIQUE AU XVIIIe SIÈCLE (dernière partie)

La lecture des actes d’Ancien Régime est, comme je le mentionnais dans mes précédentes notes, un exercice exigeant à de multiples niveaux, et le début du XVIIIe siècle n’en constitue pas une exception.

En effet, si traditionnellement les actes écrits durant ce siècle se lisent de manière intuitive, il n’est pas rare que les actes datés du premier tiers du XVIIIe siècle présentent encore des mots formés de lettres à la graphie archaïque dont la lecture nécessite, sinon la maîtrise, du moins une bonne connaissance de la paléographie moderne. 

Car si la plupart des graphies anciennes sont tombées en désuétude au début du XVIIIe siècle, certains scribes, probablement les plus « anciens », utilisaient encore des graphies d’un autre siècle qu’ils maniaient avec virtuosité.

Ce sont les raisons pour lesquelles j’attire, dans cette série de notes, votre attention sur ces pratiques. 

Je vous propose aujourd’hui un dernier exemple afin illustrer mon propos. 

Extrait d’acte notarié daté du début du XVIIIe siècle

Nous sommes, ici, en présence d’un document dont la difficulté de lecture est triple. 

En effet, à la présence d’une écriture aussi mal assurée qu’irrégulière posée sur un papier laissant apparaitre l’écriture présente sur le verso de la feuille, s’ajoutent l’utilisation d’anciennes graphies habituellement tombées en désuétude au cours du XVIIe siècle et les traces de pratiques orthographiques passées.

Présence, dans cet extrait, de lettres habituellement tombées en désuétude au cours du XVIIe siècle :

Le E à jambage et aigrette : 

Les deux signes constitutifs de cette lettre : le jambage et l’aigrette, apparaissent :

– soit, à de rares occasions, de manière distincte comme dans la préposition « de » 

(ligne 7).

– soit reliés à d’autres lettres par un trait de plume (ligature), comme dans le prénom 

« Berthellémy » (ligne 11)

Le S à jambage et double aigrette :

Les deux signes constitutifs de cette lettre : le jambage et l’aigrette, apparaissent en position finale de mot comme dans les mots « tesmoings » et « bras » :

 (ligne 2)

 (ligne 4)

Le R roulé :

-Présent ici en milieu de mot apparaît dans les mots « leurs » et « gréz » :

                  (ligne 7)

-Cette lettre est également utilisée en ligature avec la lettre « e », comme dans les mots : « gouvernement » et « service » :   

 (ligne 6) 

 (ligne 10).

Le R à rebroussement :

Présent en fin de mot comme dans le mot « charretier » :

 (ligne 14)

Présence de traces de pratiques orthographique passées (induites par l’emploi quotidien du latin par des hommes de lettre) se matérialisant par l’ajout de lettres dont :

.L’ajout de la lettre « B » dans le mot abrégé « soubzsigné » :

 (ligne 2)

.L’ajout des lettres « G » et « S » dans le mot « tesmoings » :

 (ligne 2)