Affaire Cheynet de Beaupré : compte rendu d’audiences

Le 2 oct. 2020 par Geneanet

Suites de l’affaire Cheynet de Beaupré, que nous avions évoquée dans ce blog il y a une quinzaine de jours, avec le compte-rendu des audiences du 15 septembre.

Finalement, mardi 15 septembre 2020, ce ne sont pas deux, mais trois audiences du tribunal Judiciaire de Paris qui ont été consacrées à l’affaire « Cheynet de Beaupré ».

Le matin, il était demandé en référé la fermeture du site Internet lancé par l’association “Pour la défense du patronyme Cheynet”, cette fois-ci pour atteinte à sa vie privée. Un précédent jugement du 3 décembre 2018 rendu à Dijon contre le même site et les mêmes auteurs, avec abouti à la relaxe de certains des membres de l’association, Pierre Cheynet et ses fils de tout fait de diffamation.

Le débat a tourné autour de la question : s’agit-il d’une affaire purement familiale, comme l’a défendu l’avocat de M. Cheynet de Beaupré ou au contraire, d’une affaire devenue publique au fil des révélations et des jugements, comme l’a argumenté l’avocate de l’association. Dans cette affaire civile, M. Cheynet de Beaupré réclame également 10.000 € de dommages et intérêts. Le jugement a été mis en délibéré, il sera rendu le 15 octobre 2020.

Une autre audience s’est ouverte aussitôt, toujours à la demande de M. Cheynet de Beaupré, mais cette fois-ci contre la fondation américaine Wikimedia et l’association française Wikipédia. Il s’agissait pour le plaignant de contraindre l’encyclopédie collaborative à lui fournir l’identité de deux personnes agissant sous pseudonyme et publiant des contenus qui seraient, selon lui, diffamatoires et porteraient atteinte à sa vie privée. Le jugement civil sera rendu également le 15 octobre.

Mais le public présent, une petite vingtaine de personnes, était surtout venu assister à l’audience de 14 heures, la plus importante concernant cette affaire. C’était le procès en diffamation intenté par M. Cheynet de Beaupré contre le magazine Marianne, pour un article paru le 2 novembre 2018, écrit par Guillaume de Morant et intitulé : « Noble à tout prix ».

Plusieurs personnes étaient poursuivies, en premier lieu le directeur de la publication du magazine à l’époque de la parution, Yves de Chaisemartin, l’auteur de l’article, le journaliste Guillaume de Morant et aussi plusieurs personnes citées dans l’article : Vincent Cheynet, Pierre Cheynet et Jean-M. Blanc. L’audience a duré près de sept heures.

Lors de cette audience, les différentes parties concernées et deux témoins ont été entendus.

  • Pierre Cheynet a expliqué pourquoi il avait rédigé un fascicule “Vrais Cheynet faux de Beaupré” à destination de sa famille, participé à la création d’une association “Pour la défense du patronyme Cheynet” et d’un site internet concernant cette affaire puis répondu à l’enquête menée par le journaliste. Un accord familial de 1987 prévoyait que M. Cheynet de Beaupré cesse d’attribuer une particule à son grand-père et fasse rectifier l’état-civil. Cet accord a été rompu, avec la publication en septembre 2008 par M. Cheynet de Beaupré d’une biographie sur son grand-père “M. Cheynet de Beaupré ou la vie droite” dans un bulletin de l’Association de la Noblesse Française. Pierre Cheynet a exposé également avoir été blessé que l’acte de catholicité du mariage de ses parents soit modifé à son insu pour y introduire la particule “de Beaupré”. Pierre Cheynet a par la suite découvert des destructions et falsifications d’actes d’état-civil qui l’ont conforté dans la nécessité de rétablir la vérité sur le patronyme de sa famille dont la mémoire lui apparaissait bafouée.
  • Guillaume de Morant a déclaré qu’il avait été informé, en tant que journaliste spécialisé en matière de généalogie, de cette affaire de contestation de patronyme au sein d’une même famille accompagnée de plaintes pour destructions et falsifications d’état civil depuis des années. Il a longuement détaillé l’enquête minutieuse qu’il a menée auprès des archives départementales de l’Ardèche, la mairie de Rochemaure, la Chancellerie, les différentes institutions représentatives de la noblesse française – ANF, Cincinatti, Ordre de Malte, Jockey Club, les principaux intéressés et recoupé les informations pour écrire son article.
  • Jean-M. Blanc a expliqué comment il avait enquêté minutieusement sur les généalogies contrefaites et découvert des manipulations massives dans l’état civil. Il a également mentionné ses découvertes sur la famille Pustianaz auquel a été ajouté la particule “von Priel” sur les actes d’état-civil.
  • M. Cheynet de Beaupré a déclaré s’estimer victime d’un harcèlement et d’un complot de la part de la famille de son oncle en vu de nuire à sa réputation.
  • Le président de Geneanet, Jacques Le Marois, a expliqué comment en 2013 plusieurs membres de Geneanet ont découvert la dissémination de généalogies falsifiées concernant l’ascendance du plaignant.
  • L’ancien adjoint au maire de Rochemaure, Michel Cheynet (qui n’a pas de lien de parenté ni avec l’un, ni avec les autres) s’est exprimé à la barre pour détailler les destructions et falsifications irréversibles découvertes par lui dans les registres de la commune qui auraient été faites avant 1985. Il a également évoqué un vieux plan de l’église de Rochemaure présenté au maire par le plaignant. Sur ce plan, conservé aux Archives Nationales, les chapelles latérales ont été visiblement découpées pour y ajouter des collages avec la mention “chapelle de M. Cheynet de Beaupré”. 

Après l’audition des témoins, les juges se sont intéressés aux attestations. Celle remise par Pierre de Raffin, ancien membre de la commission des preuves de l’Association d’entraide de la noblesse française (ANF) détaille le travail de vérification demandé à la généalogiste professionnelle Isabelle Malfant-Masson après la découverte de faux remis à l’association lors de l’examen du dossier d’admission de la famille. Dans celui-ci, les actes produits sous forme de transcription dactylographique ne sont pas conformes aux actes originaux, comme l’établit la généalogiste professionnelle. La famille a été invitée à démissionner de l’ANF en décembre 2011. Une autre attestation a été évoquée à l’audience, celle remise par le directeur adjoint des archives nationales Emmanuel Rousseau qui atteste la falsification du plan de l’église de Rochemaure. 

L’audience s’est ensuite poursuivie avec les plaidoiries des avocats. Pour l’avocat de M. Cheynet de Beaupré “cet article n’est finalement que l’aboutissement d’une longue entreprise de diffamation contre M. Cheynet de Beaupré. Fruit d’une “clique” déterminée à nuire à son client, cette entreprise est orchestrée par la propre famille de M. Cheynet de Beaupré, ceux-là même qui éditent le site de défense du patronyme Cheynet. Pour l’avocat de Pierre Cheynet, c’est lui qui est profondément meurtri par cette opération de destruction de la mémoire de sa famille dont les tombes même sont déplacées et les noms réécrits. Pour l’avocate du journal Marianne, le journaliste a fait un travail d’enquête minutieux sans parti pris. Ayant vérifié par lui-même, la réalité et l’ampleur des destructions et falsifications d’actes officiels remontant jusqu’à la Révolution française, il a considéré que cette affaire qui touchait à l’ordre public et à un sujet intéressant largement l’opinion, était susceptible d’intéresser les lecteurs de Marianne.

Le jugement a été mis en délibéré et sera rendu le vendredi 11 décembre 2020.

Le prochain procès devrait être la poursuite pour diffamation de l’ouvrage publié par l’historien Eric Mension-Rigau “Enquête sur la noblesse – la permanence aristocratique” paru aux éditions Perrin le 7 mars 2019.


Pour ceux qui n’ont pas suivi les procédures précédentes, en voici un bref résumé :

  • Un premier procès s’est tenu le 10 décembre 2015 au Tribunal Correctionnel de Privas. Le Conseil Général de l’Ardèche s’était alors porté partie civile pour des destructions d’actes d’état civil avec plus de 187 pages qui auraient été arrachées au mois d’août 2011 dans divers registres. Ces pages contenaient à chaque fois des actes concernant la famille Cheynet. Le prévenu a été relaxé par le tribunal au motif qu’il “subsiste, à minima, un doute sur la date de commission des faits” et donc un doute sur la prescription du délit.
  • Puis, le 5 novembre 2018, s’est tenu à Dijon un nouveau procès pour diffamation à l’encontre du site de l’association “Pour la défense du patronyme Cheynet”. Le plaignant avait été débouté.

> lire notre note précédente consacrée à cette affaire