Que signifie “mariage commencé” ?

Le 30 juin 2020 par Frédéric Thébault

Les généalogistes professionnels du SYGENE répondent à vos questions.

Dans la commune de La Ferrière-Béchet (Orne), pour le mariage de Marin Blivet, marié le 30 juin 1716 avec Françoise Cerquiel, le prêtre a écrit : ” … a été célébré … le mariage commencé entre Marin Blivet …”. Que signifie “commencé” ? Il semble que la formule soit systématique pour tous les mariages de cette période et pour plusieurs années.


Les futurs époux étaient peut-être domiciliés ensemble, avant la célébration de leur mariage.

Cependant, on retrouve dans de nombreux actes ce qualificatif de «  mariage commencé » entre les futurs époux. Ce qui laisse supposer que le prêtre qui les reçoit, afin d’entendre l’échange de leur consentement mutuel et de leur donner la bénédiction nuptiale, considère que la célébration du mariage a commencé, dès les premières cérémonies prévues par l’église : fiançailles et publications des bans.

On retrouve le terme employé dans quelques décisions de justice, relatives au refus d’un fiancé ou d’une fiancée de se marier.
Ainsi par un arrêt donné au Chatelet de Paris, le 11 avril 1645, la Cour condamne Marguerite Coudrier, qui refusait d’accomplir le mariage commencé entre Michel Nicier et elle, à lui rendre et restituer les choses qu’il lui avait données et à lui payer des dommages et intérêts.

Marie Hélène LERAY, généalogiste à Nantes
Trésorière du SYGENE

Complément d’information de Jean-Pierre Bréard (dozeville), créateur du site “Généalogie autour du Houlme – Orne” :

Cette formule est extrêmement courante en Normandie et désigne, dans l’acte de mariage, l’aboutissement du processus qui conduit l’union religieuse.
Il semble que ce processus, à la campagne, commence à la puberté ainsi que le raconte Nicolas Restif de la Bretonne qui n’est pas normand, dans “Monsieur Nicolas. Ainsi, au cours du jeu du “loup”, à la nuit tombée, la communauté villageoise observe peu ou prou, quelle fille se laisse attraper par tel garçon et vice-versa. En milieu rural, on n’attelait pas ensemble deux bœufs d’humeur incompatible, il semble qu’il en était de même pour les humains. Pour les nobles et bourgeois riches, c’était une autre histoire.
Le contrat de mariage, obligatoire en Normandie, écrit (passé devant notaire ou sous seing privé) ou oral, y tient une place centrale. Il était bien sûr précédé de négociations orales. Il était tellement important que, pour le rompre, on devait le plus souvent passer devant l’autorité religieuse, en venant le déposer sur l’autel par exemple.
L’église n’a cessé, surtout à partir du concile de Trente, de lutter pour réduire le temps entre ce contrat et la célébration du mariage (ce pouvait être plusieurs mois ou parfois plusieurs années). En effet, considérant que l’essentiel du mariage avait eu lieu, trop de couples avaient des relations sexuelles dès le contrat signé sans encore cohabiter ensemble. Il arrivait aussi, assez fréquemment, que la seule promesse d’un contrat ultérieur permette le passage à l’acte. (Évidemment, les promesses n’étaient pas toujours honorées d’où de nombreux procès que, bien souvent, la femme engrossée gagnait, au moins au XVIIe siècle.)
On peut donc conclure que cette expression concrétise la fin d’un long processus au moins en Normandie sans préjuger des autres provinces.

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