Doit-on parler du passé, première partie

Le 21 juin 2013 par admin

Oradour.jpgLe devoir de mémoire permet de garder une trace des souffrances vécues et infligées dans le passé, mais aussi de rappeler ce que nos ancêtres ont vécus, comment ils ont pu se relever. Cela est utile à tous, c’est ce qui constitue la grande Histoire. Mais à une plus petite échelle, certaines découvertes peuvent s’avérer difficiles à accepter pour l’entourage familial proche. Que doit alors faire le généalogiste qui a rétabli des faits oubliés : parler, ou se taire ? Première partie consacrée au devoir de mémoire.

Le devoir de mémoire pour l’Histoire

Mahfoud Salek, a créé un site internet dédié à Oradour-sur-Glane, aux familles qui y étaient et aux horreurs qui s’y sont déroulées en 1944. Il répond à nos questions sur cet hommage et sur le devoir de mémoire.


Qu’est-ce qui vous a poussé à faire ce travail sur Oradour ?

J’ai découvert Oradour-sur-Glane lors d’un voyage organisé par mes parents en 2006. Partageant avec mon père la passion de l’Histoire et de la Seconde Guerre Mondiale, Oradour fut une découverte à la fois effroyable et captivante. Malgré mon jeune âge (j’avais 16 ans à l’époque), j’ai voulu comprendre ce qui s’était vraiment passé dans l’esprit des personnes ayant vécu cette terrible journée du 10 juin 1944.


oradour.jpgQu’est-ce que ce massacre vous évoque ?

Plus encore qu’une caractéristique du Second conflit mondial, à savoir la mobilisation de toute une compagnie dans le but de lancer une attaque sur des civils, ce massacre est pour moi la preuve que la barbarie propre à l’être humain n’a aucune limite.

Pour vous, qu’est-ce que le devoir de mémoire ?

Chacun définira le devoir de mémoire à sa façon. Pour moi, il s’agit de construire son avenir en s’aidant des faits du passé, qu’ils soient bons ou moins bons. Le devoir de mémoire peut également éveiller les consciences : le courage de certaines personnes qui ont su dire non au totalitarisme et aux injustices doit pousser ma génération à aller de l’avant et à acquérir un sens critique en s’appuyant sur les témoignages de cette époque.


Pourquoi faire connaître cette histoire ? Et à qui ?

Lorsque j’ai commencé mes recherches sur Oradour, j’avais parfaitement conscience que beaucoup d’Historiens qualifiés me précédaient et je n’ai pas la prétention de me placer  à leur niveau. Mais j’ai rapidement constaté que la plupart des travaux sur Oradour étaient consacrés à la journée du 10 juin 1944 et à ses conséquences. Il n’y avait pas véritablement d’informations sur le village en lui-même. J’ai donc tenté d’offrir une approche différente en commençant par raconter la genèse du village et de ses habitants. Mon travail ciblait principalement les gens de ma génération qui peut-être se sentaient ” assommés” par les cours sur la Shoah et la Seconde Guerre Mondiale.
En partant de la naissance d’Oradour jusqu’au massacre du 10 juin pour ensuite évoquer les différents procès judiciaires et l’état du village de nos jours, je proposais à cette jeunesse de se plonger dans un village certes martyr mais qui avait une vie avant le drame. Et cette vie ne s’est pas arrêtée au 10 juin 1944. Les habitants et le village ont su renaître de leurs cendres, et je pense que ceci est un bel exemple de courage et de motivation pour une jeunesse perdue et mal orientée.


Aller sur place, qu’est-ce que ça change ?

Se rendre à Oradour sur Glane n’est pas chose aisée. Personnellement, je n’avais plus la notion du temps, comme si la pendule était restée bloquée à ce 10 juin 1944.  Des objets accompagnés de panneaux rappellent qu’il y avait là des commerces, des familles et des écoliers, qui ont été arrachés à leur vie. Cette visite est indispensable. Non par curiosité morbide, mais par volonté de rendre hommage à ces personnes.


Comment avez-vous organisé vos recherches ?

Mes recherches se sont déroulées de façon très conventionnelle, par la lecture d’ouvrages, sans oublier de recouper mes sources :
– Livres, magazines, sites internet en anglais, français, allemand…
– Documentaires vidéos
– Éléments apportés par des mails où encore des interventions sur le forum “Monde en guerre”.

Si mes investigations autour du massacre du 10 juin 1944 ont été rapidement fructueuses, j’ai eu plus de mal à redonner vie au village de décennie en décennie, de familles en familles. Car s’il est facile de retrouver un nom, il est plus difficile de mettre un visage dessus ! Pour ce faire, je me suis procuré plusieurs ouvrages écrits par des rescapés d’Oradour où figurent de nombreuses photos personnelles et des témoignages. J’ai ensuite recoupé ces informations grâce aux noms mentionnés dans des documentaires, sites web, livres…

Des familles vous ont-elles contacté suite aux témoignages publiés sur votre site ?  

A ce jour je n’ai eu aucun retour de familles. D’un côté cela me rassure : il n’y a peut être rien à redire sur la pertinence et la véracité de ces témoignages. En revanche, j’ai eu plusieurs échos positifs d’élèves et de professeurs me remerciant car ils se sentaient davantage acteurs du devoir de mémoire et gardiens d’une histoire collective grâce à mes travaux.

> Le site de Mahfoud Salek consacré à Oradour
> Notre note de blog consacrée à son site
> Le tourisme de mémoire fait recette, un article du Figaro
> La grande pulsion mémorielle, un article de Mediapart

La semaine prochaine, nous évoquerons grâce à divers témoignages, les éventuels problèmes que peuvent générer les intrusions dans le passé et dans la mémoire des hommes.

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