Les noms savoyards

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La Savoie (territoire historique correspondant aux actuels départements de Savoie et de Haute-Savoie) appartient à un domaine linguistique trop souvent méconnu, celui de l’arpitan ou francoprovençal, une langue parlée depuis le Lyonnais jusqu’au sud de la Franche-Comté, ainsi que dans la plus grande partie de la Suisse romande et dans le Val d’Aoste.

Son nom le plus répandu, francoprovençal, inventé au XIXe siècle, sème la confusion dans les esprits, c’est la raison pour laquelle on utilise depuis plus de trente ans le terme arpitan. Pourtant, cette langue n’est ni du provençal (autrement dit de l’occitan), ni du français, ni d’ailleurs un mélange des deux, cela va de soi. Elle comprend aussi de nombreux noms d’origine germano-nordique (Burgondes) et celtes (Allobroges).  Un certain nombre d’ouvrages récents ont mis en valeur ses traits essentiels, qui permettent de mieux comprendre les caractéristiques phonétiques ou graphiques de nombreux noms de famille.

Sur le plan graphique, le touriste qui vient en Savoie découvre avec surprise sur les panneaux indicateurs des dizaines de noms de localités terminés par -az ou -oz, et ne savent évidemment pas comment les prononcer. Ce z final ne s’est en fait jamais prononcé : il servait à indiquer que le -a des noms féminins et le -o des noms masculins étaient atones, autrement dit que l’accent tonique devait porter sur l’avant-dernière syllabe. Ainsi, un nom comme La Clusaz devrait, à quelques nuances près, se prononcer “la Cluse”.

La plupart des noms de famille terminés par -az sont des toponymes (noms de lieux). Ainsi Chappaz, l’un des noms les plus portés en Haute-Savoie, ne désigne certainement pas le porteur d’une cape ou d’un manteau, comme on le lit généralement dans les dictionnaires. Même si la racine est la même que pour “chape” (le latin cappa), c’est un terme désignant une grange, une remise (cf. le hameau de la Chappaz à Magland, en Haute-Savoie). De la même façon Combaz évoque un vallon, Bordaz une ferme, Perrollaz un lieu pierreux, tandis que Detraz et Deletraz, issus du latin strata, désignent la maison située près de la route. Le -z final n’a parfois aucune justification réelle, comme dans Dupraz (= Dupré), où l’accent tonique porte sur la dernière syllabe. Par contre il se justifie dans Servaz (= la forêt), un nom qui présente une évolution phonétique intéressante : le [l ] devant consonne s’est transformé en [r], phénomène que l’on retrouve dans des noms comme Charvet, Charvin, issus du latin calvus (= chauve).

Parmi les patronymes les plus portés, on trouve pas mal de noms de métiers, avec des particularités phonétiques ou graphiques elles aussi explicables par le francoprovençal. Le forgeron s’appelle ici Favre, et non Fabre comme en occitan ou Fèvre comme en français : autrement dit, on a conservé le [a] latin de faber, comme en occitan, mais le b intervocalique s’est transformé en [v], comme en français. Le passage de [b] à [v] se retrouve dans le noms Lavorel (= laboureur). Sans chercher à approfondir les règles phonétiques, on remarquera que le meunier devient en Savoie Mugnier, que le charpentier s’appelle Chappuis et le tisserand Tissot. Un autre nom savoyard très répandu, Métral, évoque pour sa part la fonction de bailli, représentant du seigneur dans le village.

Revenons à la toponymie avec quelques noms typiques du francoprovençal : ainsi Mollard (variantes Molard, Dumolard) désigne un talus, une butte, Perrier et Murgier un tas de pierres, Dunand une vallée, un ravin (penser à Nantua dans l’Ain), Ducret un sommet montagneux, Chavanne une cabane.

Bien entendu, de nombreux noms de personne (ou prénoms) figurent au rang des patronymes les plus répandus. C’est le cas en Haute-Savoie pour Baud, issu du germanique Baldo (racine bald = audacieux), ou encore pour Gay, qu’il faut sans doute rattacher au latin Caius. Ceci nous amène à évoquer une autre particularité savoyarde, les noms de famille composés. Dans un pays de vallées coupées les unes des autres, on s’est retrouvé dans chaque village avec des dizaines de familles portant les mêmes noms, qu’il a bien fallu différencier les unes des autres par l’ajout d’un second élément, surnom ou nom de l’épouse selon les cas. Il suffit de s’arrêter dans un village devant le monument aux morts pour constater la fréquence du phénomène. Un exemple avec le nom Blanc, l’un des plus répandus en Savoie : parmi les noms les plus courants, on notera Blanc-Garin, Blanc-Gonnet, Blanc-Pattin, Blanc-Tailleur, Blanc-Talon, Blanc-Travaillon. Le phénomène est également fréquent en Dauphiné et en Franche-Comté, ainsi que dans les Pyrénées, un autre pays de vallées.

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