Se raccrocher à Charlemagne… et après ?

Le 1 août 2016 par Frédéric Thébault
 

Pourquoi Charlemagne ?

L’empereur à la barbe fleurie est une référence historique. C’est un symbole fort non seulement parce que tout le monde en a entendu parler à l’école, mais aussi parce qu’il représente un grand conquérant, réputé fondateur de la France, et parce qu’il véhicule cette image d’un souverain bon envers son peuple.

portrait.jpgLa réalité historique est bien sûr beaucoup plus nuancée. Concernant les généalogistes, il est probablement devenu un symbole (avec Hugues Capet) parce qu’il est de façon certaine reconnu comme l’ancêtre clairement identifié de tous les Rois de France. Au-delà, on trouvera Clovis et d’autres personnages, mais ceux-ci sont trop éloignés dans le temps, et leurs filiations souvent incertaines ou incomplètes.
Rappelons que Charlemagne a vécu entre 742 et 814. A son époque vivaient en “France” environ huit millions d’habitants. Pour une personne vivante aujourd’hui, on atteint à cette époque le chiffre de 40 à 45 générations d’ancêtres.

 

Le petit calcul exponentiel que l’on peut alors réaliser (2 puissance 40) représente donc un total d’ancêtres vivants aux alentours de l’an 800, pour une seule personne, de 1000 milliards (voir ce passionnant article). Que l’on multiplie par 60 millions d’habitants pour la France entière… Un chiffre vertigineux et que l’on sait erroné : on comprend vite qu’il est théoriquement fort probable que Charlemagne figure parmi nos ancêtres, et que ses descendances se croisent à d’innombrables reprises jusqu’à nous.


Tout le monde peut retrouver des ancêtres nobles !

Continuons avec les chiffres : chaque Français actuel possède aujourd’hui 70% d’ancêtres paysans. Parmi les 30% restants, on trouvera les artisans, la petite bourgeoisie et même la grande, mais la chance de retrouver des ancêtres nobles se réduit vite lorsqu’on part de simples paysans. Pourtant, la noblesse a subi plusieurs revers de fortune, qui ont propulsé des familles entières dans la modestie sociale. Près de nous, la crise financière de 1929 et les deux guerres mondiales ont mis à mal des familles déjà en difficulté. Un peu plus loin, c’est la Révolution Française qui en a appauvri d’autres.

 

blason.jpgSi vous ne trouvez pas d’ancêtres noble à ces périodes charnières, vous conservez néanmoins toutes vos chances d’en dénicher après la guerre de Trente ans, une période difficile en Europe qui a considérablement appauvri de multiples familles, obligeant des nobles à marier leurs enfants avec de simples roturiers, certes issus de la bourgeoisie et de bon niveau financier, mais dont la descendance allait se fondre dans la bourgeoisie moyenne, puis le temps passant dans des milieux encore plus modestes, jusqu’à de simples laboureurs dont nous pouvons être issus.

 

Chaque généalogiste peut donc se permettre de rêver : il lui suffit d’un peu de chance pour trouver parmi quelques “sieur” ou autres “honorable homme” le laboureur issu d’une lignée prestigieuse.

 

Quels documents pour retrouver ses ancêtres nobles ?

Ce n’est guère dans les registres paroissiaux que vous allez obtenir la certitude que telle ou telle personne avait du sang bleu. L’étude scrupuleuse des actes notariés et de tous ceux dans lesquels la fortune ou les titres pouvaient être évoqués, les armoiries (ceux d’une famille changent rarement), mais surtout les ouvrages réalisés depuis (armoriaux comme le “Rietstap” ou le “D’Hozier”, usuels comme le “La Chesnaye Des Bois”, le “Foras”, le “Guichenon”, etc) ou peu après vous mettront sur la voie.
Grâce à Internet, il est relativement simple d’effectuer une recherche dans la Bibliothèque ou sur Gallica pour y trouver des mentions d’ancêtres nobles. Une fois que l’on tient un petit bout de fil, il suffit de tirer dessus, et c’est toute la pelote qui se déroule.

 

chesnaye_desbois.pngLa méthodologie pour continuer son arbre diffère alors considérablement des recherches traditionnelles. Plus d’état civil , peu de dates ou de lieux, on s’attache alors aux “maisons”, aux armoiries, aux fiefs, et l’on scrute les ouvrages de tout genre que l’on compare, car certains se contredisent, pour s’orienter vers des sites ou des arbres spécialisés comme “roglo“, “pierfit” (sur Geneanet) ou Medieval lands (en anglais), ainsi que des forums ou listes de discussion.
La magie opère alors : des personnes mortes au XVIe siècle reprennent vie, d’innombrables ancêtres viennent s’y raccrocher, et l’on trouve même des récits détaillés sur leur vie, quelques portraits, des photos des châteaux où ils ont vécu… c’est toute notre généalogie qui reprend vie.

Mais attention : retrouver une lignée noble ne signifie pas pour autant que vous allez vous rattacher de façon certaine à Charlemagne. Encore faut-il que parmi toutes ces familles de bon niveau, des alliances aient été contractées avec les familles – d’un niveau encore plus élevé ! – descendant directement de l’empereur.
Ou plutôt que l’on en ait suffisamment de traces pour retrouver leurs alliances…

Si c’est le cas, certains s’attachent à prolonger les lignées beaucoup plus loin que les Francs, les Mérovingiens, les Carolingiens, les Robertiens, les Pippinides… : on peut même se rattacher aux Pharaons d’Egypte ou aux Vikings et s’éparpiller ainsi dans la nuit des temps. D’autres critiquent cette frénésie qu’ils jugent vaine.
Laissons à chacun ses opinions : la généalogie reste un loisir passionnant, amusant, émouvant. “Remonter jusqu’à Charlemagne” est un challenge comme un autre, et s’y raccrocher reste un événement marquant dans une recherche généalogique.

> A lire, notre article publié la semaine dernière sur les ressources disponibles sur Geneanet concernant vos ancêtres nobles

> La semaine prochaine, nous évoquerons l’art du blason pour clore cette série de notes.


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90 commentaires

François FOUCART (ffoucart)  

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14/05/2020

sur le calcul mathématique rien à redire. Sur les “routes” menant à Charlemagne (et à d’autres ancêtres figurant dans les archives subsistantes), là, il y aurait à redire. Non seulement car les fameux “usuels” comme La Chesnaye Des Bois sont rarement fiables, mais qu’il faut souvent passer par des individus qui ne figurent pas dans les généalogies “officielles”, comme les filles. Et comme cela a été souligner, de nombreuses familles d’anoblis ou pas (même si la noblesse de robe y a beaucoup contribué) ont fait publier des généalogies “sur commande” permettant de se rattacher à des ancêtres glorieux (rien de bien neuf, les HANGOUART ou les BUISSERET de Lille ont fait de même au XVIème et XVIIème siècle). Et si les ouvrages honnêtes, comme le Père Anselme, sont de meilleure facture, ils recèlent de nombreuses erreurs, avec des rattachement indus.
Néanmoins, il est tout à fait exact que dans certaines provinces (nombreuses) des archives permettent de remonter des familles notables (au moins de gros cultivateurs) jusqu’au XVIème siècle, et qu’il y a souvent, dans le tas, une alliance avec une fille de noble, pas forcément légitime. Par contre, cela ne suffit pas, car noblesse ne rime pas avec descendance princière. De nombreuses familles nobles existantes vers 1600 n’avaient pas d’ancêtres très prestigieux, même par alliance. Ou en tout cas, pas suffisamment pour que l’on puisse remonter. Dans le Sud de la France, pays de droit écrit, de nombreux descendants de notaires, de juges locaux ou de marchands se disaient “nobles”. Mais de là à arriver aux grandes familles, c’est une autre histoire! Pas toujours impossible, mais difficile. Les petits nobles cultivant leurs terres du Massif Central, du Dauphiné ou de Bretagne étaient nombreux, mais le plus souvent mariés à des filles de laboureurs. Par contre, il arrive que l’on trouve des familles alliés avec des représentants de la vieille noblesse (chevaleresque au moins), possédant plusieurs fiefs importants (souvent avec la Haute Justice), et là il y a souvent des passerelles vers la Haute Noblesse, qui elle permet de remonter à Charlemagne. J’ai le cas dans le Nord, un petit noble avec de nombreux enfants, donc pas assez d’argent pour tous les marier dans la noblesse (XVIème siècle), et qui descendait de familles bourgeoises du Moyen Age, anoblis et alliées dans la vieille noblesse. Sinon, dans le Sud, des notables de Lozère, dont l’un, à la faveur des guerres de religions (le protestantisme pouvait servir de passerelle sociale) a épouse la fille d’un anoble, mariée avec la petite-fille d’un baron gardois. Et ce dernier descendait de familles suffisamment connues pour permettre de remonter sur les principales familles de noblesse ancienne du secteur. Il n’en reste pas moins que cela reste compliquer de remonter, et qu’il faut parfois utiliser des ressources peu évidentes. Bien entendu, j’ai écarté énormément de filiations vers Charlemagne soit qui étaient totalement fantaisistes, soit insuffisamment démontrées. Mais si on arrive à accrocher les comtes de Valentinois, comme c’est le cas en l’occurence, l’ascendance carolingienne (ou capétienne, ou othonienne) est multiple.
Sinon, il faut faire très attention à certaines ascendances “exotiques”. Si l’ascendance byzantine est avérée au moins pour l’impératrice Théphano, les ascendance musulmane que l’on rencontre dans certaines généalogies le sont nettement moins. Sauf erreur de ma part, il y a eu 3 mariages entre un prince chrétien et une musulmane (convertie), et sans que cela face remonter aux Omeyades ou à Mahomet. Le plus souvent, on évoque l’épouse d’Alphonse VI, Zaïda, mais la famille de cette dernière est totalement inconnue. Pour autant qu’on puisse en juger, il pouvait tout à fait s’agir d’une musulmane espagnole. Et les fameux Banu Qasi, s’ils se sont alliés souvent avec des princesses espagnoles (chértiennes), l’inverse n’est pas vrai. Et les filiations remontant vers eux reposent sur des interprétations erronées des liens de parentés (les Banu Qasi pouvant être les cousins germains ou les demi-frères de certains rois navarrais).


malheureusement je ne l’ai pas lu dommage!!!


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