Rootstech, salon de généalogie né en 2011, est en cinq années devenu incontournable dans le monde entier. Geneanet y était cette année encore représenté. Voici ce que notre délégation a retenu de son voyage à Salt Lake City, Utah, pays de la généalogie, giron de l’Eglise de Jésus-Christ et des Saints des Derniers Jours.
Les Américains adorent la généalogie, c’est un fait, et cela n’est pas réservé aux seuls membres de l’Eglise, plus couramment dénommés Mormons, même s’ils en représentent une bonne partie. Sans les Mormons, pionniers de l’internet généalogique, inventeurs de la norme GEDCOM et du logiciel de généalogie (Personal Ancestral File, avec lequel de nombreux “anciens” généalogistes ont commencé, y compris en France), la généalogie serait-elle ce qu’elle est ?
Hors de toute considération religieuse, la généalogie doit beaucoup aux Mormons. Nul généalogiste ne peut l’ignorer.
Quelques chiffres
Le salon Rootstech est organisé par FamilySearch avec le soutien de nombreux sponsors dont les principaux : Ancestry, MyHeritage et FindMyPast se partagent de manière strictement égalitaire le devant de la scène. Il a réuni cette année 10 000 personnes de plus que l’an dernier, soit près de 22 000, un chiffre colossal mais qu’il faut néanmoins relativiser à l’échelle du pays. 35 pays étaient présents. Trois “keynotes” (conférences géantes) s’y sont déroulées dans des salles immenses pouvant accueillir plusieurs milliers de personnes. En marge, on pouvait assister à de nombreuses conférences à taille plus humaine, dont une animée par notre directeur international, Laurent Monpouet, qui a fait salle comble. Le salon accueillait également 160 exposants.
Rootstech est bien à l’image de FamilySearch et de ses 319 000 bénévoles de part le monde, qui indexent chaque jour près de 1,3 millions de noms : remarquable !
Les acteurs de la généalogie aux USA
FamilySearch, émanation des Mormons, occupe une place centrale dans l’échiquier de la généalogie américaine, autour de laquelle gravitent tous les sites consacrés à la généalogie, à commencer par les trois plus gros, Ancestry, FindMyPast et MyHeritage. Sites concurrents mais pourtant partenaires sous de nombreux aspects dont les liens tissés les uns entre les autres n’empêchent pas chaque site de développer sa propre spécificité.
Aux Etats-Unis, malgré la prépondérance de ces sites, il reste de la place pour tout le monde, et de nombreuses entreprises de généalogie se créent régulièrement, certains proposant même exclusivement des services complémentaires aux principaux sites. S’agit-il du fameux esprit pionnier hérité de leurs ancêtres émigrants, donnant à chacun sa chance et voyant la concurrence d’un bon œil plutôt que le “chacun pour soi” ? C’est probable, mais quoiqu’il en soit, cela fonctionne, et cela fonctionne bien et, même, de mieux en mieux.
La généalogie américaine n’est pas la généalogie française
Un Américain ne fait pas sa généalogie de la même façon qu’un français, et ses centres d’intérêt ne sont pas vraiment les mêmes. En effet, peut-être est-ce dû à leurs origines multiples et au fait que tous les américains ont sans doute de fortes présomptions de cousinages entre tous ceux qui descendent qui d’un Allemand, qui d’un Irlandais, qui d’un Italien, toujours est-il que leurs préoccupations diffèrent quelque peu.
Aux USA, il est ainsi impensable de se déplacer dans un dépôt d’archives pour y faire des recherches : on numérise et on publie sur Internet des données que l’on achète. Et puis, on se préoccupe moins des ancêtres lointains, souvent difficiles à trouver car originaires d’Europe ou d’Afrique, que des ancêtres proches, sur 4, 5 ou 6 générations. Alors, on prend grand soin de raconter leur histoire, par tous les moyens possibles. Cette pratique a même un nom : le story-telling. Interviews de personnes âgées, vidéo, rédactionnel, tout ce qui peut servir à raconter la vie d’une personne, d’un membre de sa famille revêt une grande importance.
La notion de famille est cruciale comme en France mais elle y est manifestement appréhendée différemment : on la partage en mettant en avant la vie du grand-père ou de l’arrière-grand-tante, plus qu’une lignée d’ascendants jusqu’à Charlemagne.
Les Américains accordent également une très grande importance à des technologies qui restent chez nous encore limitées : les recherches ADN sont devenues monnaie courante en quelques années, et la pratique d’une généalogie sur tablette ou smartphone l’est aussi, utiliser un ordinateur de bureau est devenu désuet. La notion de réseau, social ou généalogique, est également prépondérante : on ne fait pas sa généalogie seul, on la partage à tous les membres de sa famille et certains sites permettent aussi à chacun d’intervenir sur l’arbre de l’autre.
Et la France, dans tout ça ?
Geneanet est peut-être le sixième site mondial, mais pour un américain, la généalogie en France semble encore un grand mystère ! Spécificité de l’accessibilité de nos archives, de notre histoire, de notre esprit ? Sans doute, mais cela tient aussi au fait, scientifique, que les origines des américains placent la France loin derrière d’autres pays Européens. Nous ne résistons d’ailleurs pas au plaisir de vous proposer cette carte pour illustrer notre propos. Elle indique pour chaque comté, la provenance extra-américaine majoritaire des ancêtres des habitants. Les origines françaises, en bleu ciel, concernent “seulement” les zones bordant le Québec et la Louisiane, ce qui n’a rien d’étonnant.
(cliquez sur la carte pour voir l’originale en grande taille)
En conclusion, cette participation à Rootstech est un événement important pour un Français : elle permet de voir les grandes tendances de la généalogie actuelle, et d’en deviner son orientation dans le futur. Nul n’y échappera, et la mixité des origines d’une part, des outils et des moyens de diffusion d’autre part influenceront durablement notre propre pratique de la généalogie.
Rendez-vous est pris pour 2016 !
9 commentaires
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28/02/2015
Bien sûr, la tache bleue (allemand) sur la carte est bien plus étendue que la tache grenat (anglais) ou que les taches hispanico mexicaines ou norvégiennes. Mais on ne dit pas si les densités ne sont pas plus faibles dans la zone bleue. je réponds à lloret qui écrit “soit la couleur bleu ciel est mal défini, soit les allemands ont quasiment colonisé les USA”. Bien sûr qu’ils ont colonisé les USA, à tel point que lors du vote pour le choix de la langue officielle du nouvel Etat indépendant, la langue anglaise n’ a été choisie qu’avec une voix de majorité par rapport à la langue allemande. Il faut aussi penser que seuls votaient les Etats de l’est , les autres étant encore des territoires…
26/02/2015
@ MANNIG
Si la généalogie par ADN vous intéresse, on ne peut que vous conseiller de lire l’information contenue dans le site ADN Héritage français. La G / ADN est tout ce qu’il y a de plus logique. C’est simplement de la génétique appliquée à la généalogie. Le Catalogue des signatures ADN ancestrales du Projet ADN Héritage français inscrit les signatures ADN (haplotypes) inférées par triangulation sur un ancêtre fondateur de Nouvelle-France. Par la transmission stable de signatures génétiques par voies patrilinéaire (ADN-Y) et matrilinéaire (ADNmt, mt = mitochondrie), il est possible par le biais d’au moins deux descendants directs d’inférer la signature ADN-Y ou ADNmt d’un ancêtre. Cette méthode permet du même coup de valider l’hypothèse documentaire. Plusieurs lacunes documentaires ont déjà été comblées grâce à l’établissement de telles signatures ancestrales. L’apport amérindien au peuplement de la Nouvelle-France peut aussi être mieux mesuré grâce à ces techniques révolutionnaires en généalogie (les signatures génétiques amérindiennes sont distinctes). Le généalogiste d’Amérique française rêve du jour où il pourra collaborer avec la France pour valider sa généalogie papier au-delà du pionnier fondateur de Nouvelle-France.
25/02/2015
Les Alsaciens qui ont émigré, après 1870, sont comptabilisés comme allemands ou comme français ?
25/02/2015
Bonjour,
Question collatérale. Et si on a des recherches à faire sur un ancêtre mort sur le territoire des Etats-Unis (en 1785), dont on ne connaît pas la localisation du décès. Compte tenu de l’immensité du pays, une recherche à l’aveugle est impossible.
Existe-t-il (auprès des Mormons ou ailleurs) des bases informatisées des actes d’état-civil, à supposer qu’il y en ait eu à la fin du XVIII° siècle?
Merci pour votre réponse
Amicalement
Patrick Dombrowsky
25/02/2015
Bjr,
soit la couleur bleu ciel est mal défini, soit les allemands ont quasiment coloniser les USA,
enfin c’est amusant de penser que si la carte est juste, et si la langue allemande avait dominé et si et si et si… on parlerait bien plus l’allemand que l’anglais….
bonne journée
25/02/2015
Bonjour et merci pour cette article.
A mon avis une des raisons pour lesquelles un américain ne fait pas sa généalogie comme un français est la disponibilité, voire l’existence de certains documents. Les américains utilisent énormément les recensements, listes électorales etc. et beaucoup moins l’état civil (a rappeler par exemple que ce n’est qu’en 1900 que les actes de naissances y ont été standardisés et qu’il y avait énormément de différences entre deux documents selon l’Etat où il a été rédigé). Il y a aussi les Indiens qui n’ont pas toujours enregistré leurs naissances pour des raisons politiques et culturelles.
Dans ce pays où les lois changent d’un Etat à l’autre, il était fréquent de paraître sur des recensements avec des noms différents, des surnoms etc.
Enfin, ce grand pays d’immigration a aussi vu des millions de personnes avoir le nom anglicisé ce qui complique les recherches et le augment le risque de partir sur des fausses pistes du fait des nombreux homonymes.
Enfin, en France nous apprenons l’histoire de France dès le plus jeune age et l’Histoire est tout autour de nous, jusqu’à dans nos institutions. Les Etats Unis est un pays jeune et l’Histoire au delà des premières Colonies voir de la Guerre d’Indépendance est très abstrait pour beaucoup d’américains qui n’ont pas forcément de repères aussi marquant que ceux que nous avons en Europe.
25/02/2015
Je suis étonnée de lire que les Américains ne se déplacent pas pour chercher dans les archives. Les Mormons eux-mêmes ont à Salt Lake City une énorme bibliothèque d’archives (sur 5 étages) collectées dans le monde entier et photographiées. L’accès est libre et il y a du monde. On peut faire venir ces archives dans les églises mormones n’importe où dans le monde et les y consulter.
24/02/2015
Bonjour, il s’agit d’une page FB que j’anime sur l’Histoire de la City of Paris, saga familiale et industrielle des familles Ollive, Verdier, Fauvety par Antoine Simoneton. Je m’intéresse ainsi particulièrement aux cheminements et aux transferts des savoirs faire intra familiaux ainsi qu’à leurs développements industriels. En ce qui concerne la marque des “Bas Gui” il s’agit de la marque de fabrication des bas qui a ensuite été reprise et créée par la famille Verdier et notamment Félix Verdier qui a ouvert plusieurs commerces entre Paris et San Francisco dont la fameuse “City of Paris”, célèbre magasin de nouveautés à San Francisco. https://www.facebook.com/lefildesoi…
24/02/2015
Bonjour,
Deux choses à propos des recherches alliant généalogie et ADN.
D’une part, je continue de ne pas comprendre (bête que je suis) comment on peut déterminer que quelqu’un appartient à tel groupe ethnique remontant à des époques où — je tiens à la rappeler — PERSONNE ne pouvait effectuer des prélèvements ADN. Aucune comparaison ne peut donc être faite, faute d’échantillon.
En outre, il faut arrêter d’employer « technologie » à tout propos et hors de propos. Avant que les dictionnaires récents, serviles à souhait, n’entérinent ce barbarisme (et encore, pas tous), la définition en était :
« sciences des arts industriels en général (histoire des techniques…)
Vocabulaire particulier à une technique particulière »
Flammarion – 1990
Même aujourd’hui, on peut lire http://www.larousse.fr/encyclopedie…
TECHNIQUE et TECHNOLOGIE sont donc bien deux termes distincts, la seconde étudiant les premières. On ne saurait donc confondre une science et l’objet de cette science. Dit-on de quelqu’un qu’il est ” diplômé en géographie ” ou qu’il l’est ” diplômé en fleuves “, par exemple ? Alors ?
La technologie étant une science, tout comme l’algèbre, la sociologie, la biologie… ne peut donc pas non plus être déclinée au pluriel.